Synopsis
Téhéran, 2011. Simin et Nader décident de divorcer mais se déchirent quant à la garde de leur fille, Termeh. L’histoire aurait pu s’arrêter là s’il n’était pas survenu un événement compromettant : une plainte de l’aide-soignante, Razieh, accusant Nader d’être responsable de sa fausse couche due à des brutalités dont il aurait fait preuve envers elle. Un événement malvenu donc, destiné à compliquer une situation déjà complexe. Les protagonistes se retrouvent alors embourbés au sein d’une spirale infernale dans laquelle certains se retrouvent malgré eux. Diplomatie et raison devront désormais être leurs maitres-mots s’ils espèrent en sortir indemnes. Asghar Farhadi signe ici un film captivant plongeant le téléspectateur dans une forte dimension émotionnelle.
Moi Termeh, jeune Iranienne en détresse…
Je me prénomme Termeh.
Je n’ai que 11 ans mais dès l’instant où j’ai appris le divorce de mes parents, j’ai su que j’allais devoir me débrouiller seule et me conduire dorénavant en adulte mature et responsable. Ce matin, lorsque ma mère quitta la maison pour s’installer chez ses parents, elle fit les choses sans chichis et nous assena mon père et moi d’un simple, mais terrible, « au revoir ».
À travers la vitre de ma chambre, c’est une partie de moi-même que je regardais partir. Au fond de moi, je savais que ce départ n’était pas définitif et tant que je resterai avec mon père, ma mère ne pourra complètement se détacher des siens. J’osais espérer que la situation s’améliore dans un avenir proche. C’était sans compter sur cet événement qui allait bouleverser un peu plus les choses. Un jour en rentrant de l’école avec papa, nous avons retrouvé mon grand-père tombé à terre et inconscient, dans sa chambre. L’aide-soignante, Razieh, censée s’occuper de lui, avait déserté les lieux et l’avait, de surcroit, attaché à son lit et enfermé à clef dans la maison.
Heureusement plus de peur que de mal mais je n’ai toutefois pu contenir mes larmes à ce moment-là. L’idée de perdre mon papi était déjà insupportable alors imaginer que celle-ci puisse se réaliser était d’autant plus terrible. Mon père tenta malgré tout de ne pas se laisser dépasser par les événements et parvint à garder son sang-froid, du moins jusqu’à l’arrivée de l’aide-soignante. Essayant de ne pas voir que le mal et d’avoir un peu de tolérance envers cette femme, j’ai tenté de calmer le jeu entre elle et mon père. Mes tentatives de raisonnement n’y auront rien fait. Et l’inimaginable arriva.
Razieh, poussée par mon père, chuta, semble-t-il et de ce que j’ai pu apercevoir par la porte entrouverte, dans l’escalier. Son visage était blafard et désemparé, sa petite fille en pleurs à ses côtés. J’étais pour le moment bien loin d’imaginer les retombées de tout cela. Ce n’est qu’un peu plus tard que mon père m’annoncera lui-même qu’il était retenu en prison, suite à la plainte déposée par l’aide-soignante. Ma mère étant avec moi, j’ai observé sa réaction mêlée de tristesse et dans laquelle je soupçonnais un brin de culpabilité.
Attristée et révoltée de ce qui était en train d’arriver à mon père, j’ai cru bon de m’en prendre à elle. Après tout si elle n’était pas partie, nous n’aurions pas eu besoin de cette aide-soignante et rien de tout cela ne serait arrivé. Surtout que c’est elle qui a choisi cette femme. Repenser à tout ça n’apaisa en rien ma révolte passagère érigeant ma mère en bouc-émissaire. Ma réponse à sa proposition de la suivre, papi et moi, chez ses parents, fut négative. Accepter reviendrait à céder et à accepter son départ et au final, la séparation de mes parents. Or je n’ai toujours pas perdu espoir. Ma confiance ne me faisait pas non plus défaut. Mon père ayant recouvré sa liberté suite au paiement de la caution par ma mère et n’en pouvant plus d’attendre, je lui ai demandé expressément de la faire revenir.
En allant récupérer papi, j’avais eu l’espoir jusqu’au bout de voir ma mère sortir avec eux. En vain. À cet instant précis, un sentiment de forte déception m’envahit. En parallèle, je commençais à m’interroger sur la réelle culpabilité ou non de mon père. Je lui posais différentes questions, révélatrices de mes doutes, afin de me faire ma propre opinion. J’avais conscience qu’il redoutait plus que tout mon jugement et ferait tout pour dissiper mes craintes. Mais mon père reste mon père et de ce fait, j’avais beaucoup de mal à avoir un œil critique à son égard. Je pris davantage conscience de l’ampleur du problème lorsque Hodjat, le mari de Razieh, vint menacer ma maitresse jusqu’au sein même de l’école. Cet homme qui me montrait du doigt à tout va et hurlait à qui veux l’entendre que mon père avait tué son enfant.
De retour chez moi, mon père, visiblement tracassé par mes doutes, me laissa le choix de partir vivre avec ma mère. Mais l’envie n’y était pas. Je ne capitulerai toujours pas, pas maintenant. Et puis mon père avait besoin de moi. J’avais enfin découvert la vérité : il savait bien que Razieh était enceinte mais avait menti au juge dans le but de me protéger et de m’épargner son éloignement qui ne me ferait que trop souffrir. « Si tu me le demandes, je vais avouer ». Je perçus à quel point je comptais pour lui. Je ne doutais en aucun cas de son instinct paternel. C’est pourquoi je me devais de tout faire pour le protéger à son tour, quitte à mentir devant le juge. Chose que ma morale n’approuvait pas et qui me causait une peine intérieure.
Chagrinée comme jamais face à cette situation et ne constatant pas d’évolutions quant au retour définitif de ma mère, j’avais décidé de prendre le problème à bras-le-corps et de la supplier directement en laissant échapper des sanglots que je ne pu réprimer. Sa discussion qui s’ensuivit avec mon père confirma mes plus grandes craintes. Je serai bien au cœur de leurs déchirements, tiraillée par un choix impossible entre ma mère et mon père. « Ce n’est pas grave ma chérie. Tu seras mieux là-bas » me lança mon père. La vérité c’est que je ne serai bien nulle part tant que mes deux parents ne seront pas réunis à nouveau auprès de moi. Mon père me laissera-t-il vraiment partir, suivre les ordres de ma mère ? Je ne pouvais pas croire qu’une fois de plus il ne fasse rien. Devant ma détresse, il avait bien accepté de payer la somme réclamée par Hodjat afin qu’il nous laisse tranquille mais concernant maman, toujours rien. Serait-ce par fierté ou par réel manque d’envie ? Je ne saurai le déterminer avec exactitude. Toujours est-il que je n’oublierai jamais ce qu’il m’a dit avant que je ne parte c’est-à-dire que si je le pensais en tort dans cette affaire, je tente de retenir maman et ainsi remonter avec elle.
Entre ma mère ou l’innocence de mon père, il fallait apparemment choisir. Mais je croyais en mon père et au fond de moi, je ne doutais pas de lui. Ce qui n’était pas le cas de maman et consciente que la dissuader du contraire serait une tâche impossible, j’ai choisi raisonnablement d’apaiser l’esprit de mon père en lui prouvant mes pensées. Je n’ai donc rien tenté. Tout comme la petite Somayeh, la fille de Razieh et Hodjat, je n’ai pas choisi cette situation mais j’ai décidé d’y faire face en faisant les meilleurs choix possibles. Une réconciliation de mes parents ? Je m’y étais résignée. Et à la question du juge sur mon choix entre vivre avec ma mère ou avec mon père, j’avais des choses à dire, des choses dont je n’avais pas pu réellement faire part à mes parents…
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/ 30 janvier 2012Cette lettre rend bien l’ambiance et le désarroi de la fille. Nous avions beaucoup apprécié le film lors de sa sortie et il a fait objet d’un post sur notre blog