Faire swinguer une rentrée littéraire n’est pas chose aisée. Chaque année, tout le monde y va de sa petite musique. Et le problème avec les petites musiques, c’est qu’elles restent petites. Ainsi, chaque année passent les habitués de septembre- et avec eux la littérature triste et banale. Celle des vieilles valses musettes qui aguichent beaucoup de curieux et pas assez de passionnés. Celle du réchauffé pour public au cerveau refroidi. Bref, celle du commercial pour des lecteurs atrophiés par la promotion.
Pourtant, dans cette période molle, il m’est arrivé de tomber sur du dur. Du très dur. Et je le dois au sublime Nick Tosches. Le plus grand écrivain musical des Etats-Unis revient en France! Avec « Dernière danse pour Satan », publié chez Allia. Tosches nous propose de replonger dans les années 50. Dans les Jukebox et les prémisses du rythm and blues, en plein scandale de la payola. Il nous livre ainsi un écho brillant, riche de vie d’une époque époustouflante où les artistes côtoient les bandits. Où les bandits dominent le monde du divertissement. Où ils font et défont les carrières. Ils nous détaillent l’éclosion des Sinatra, Presley ou De Niro. Nous expliquent les rouages d’un univers trop bien connus. Celui d’une Amérique où tout passe par la Mafia. Celui d’une Amérique en pleine explosion culturelle. D’une Amérique qui abandonnent progressivement le jazz au profit du rock’n roll, puis du rock et de la pop. D’une Amérique de bâtisseurs d’empires. Tout simplement.
Tosches réinvente ainsi le témoignage. Il lui impulse un souffle nouveau, plus humain. Il donne à ses histoires une vraie crédibilité, en s’appuyant sur le style de ceux qu’il interroge. En respectant leur profondeur. En les laissant intervenir pleinement dans son récit. C’est donc un monde qui renaît, et qui ressort de nulle-part- que le style et la musicalité reconstruisent. Ce que seul le talent peut reconstruire. Et qui manque tant, les jours de septembre, au moment où s’effeuillent les bois parisiens et les premiers romans: de la vie.