On aura tout entendu du cinquième film d’Abdellatif Kechiche, c’est bien triste. La polémique sur sa manière de diriger ses acteurs risquerait de vous faire rater un bien beau film d’Amour.
La première chose à rétablir est la suivante, ce n’est pas un film sur la spécificité prétendue de l’amour lesbien mais belle et bien sur l’amour tout court. Et surtout, il s’agit là d’un film sur la rupture.
Cette amour-là ne s’embarrasse pas de diktat issu de l’industrie de l’entertainment hollywoodien. Ici pas de fin heureuse ni de filtre guimauve. Ce qui secoue dans le film, ce n’est pas une histoire mièvre, une rupture basée sur un malentendu puis des retrouvailles se voulant émouvantes. Non, ici, nous vivons une scène de la vraie vie, celle de l’erreur irréparable, de ses conséquences inéluctables, et de la souffrance qu’elle engendre. L’amour qui lie Adèle à Emma est filmé de manière cru dans tout les sens du terme. On retiendra sûrement que Kechiche ait voulu choquer les bienpensants avec ses scènes charnelles osées. Il a réussi largement vu les exclamations que l’on peut entendre à la projection de la pellicule. Cependant, cela n’est sûrement pas le propos fondamental du film. Cette mise en scène n’est là que pour donner plus de sens, plus de poids, plus d’impact à la relation amoureuse des deux protagonistes. Elles s’aiment dans leurs chairs et dans leurs âmes. Il n’y a pas de frontières entre ses deux aspects de leur amour. Le film poursuit sa réflexion sur la difficulté de la séparation, et quelque part, sa part d’absurdité. En quelque sorte, « pour être heureux, partez fâchés », voilà le propos. Si Adèle et Emma se réconcilient, ce n’est qu’au prix d’une souffrance latente bien réelle, mais dissimulée.
Le film ne manque pas d’évoquer d’autres aspects de la vie de couple : peut-on se contenter d’une vie simple mais heureuse auprès de l’être aimé ? Doit-on forcément avoir d’autres passions ? Le réalisateur fait un pied de nez intéressant à son propre milieu à travers cette réflexion. C’est un réel hommage aux gens simples au sens noble du terme. N’est-ce pas cette distance intellectuelle factice qui fera s’éloigner Adèle ?
Ce parti-pris ressort à travers chaque plan du film. A. Kechiche met magnifiquement en images son propos et rend justice à ses actrices tant leur jeu relève du sublime. La tension est latente à chaque instant. On sort forcément chamboulé de La vie d’Adèle parce que c’est un film universel sur l’Amour et la rupture. Enfin, un film romantique qui nous prend pour des adultes, et fait l’impasse sur la préciosité adulescente.
Souhaitons une longue carrière à Adèle Exarchopoulos qui fait montre d’un grand talent révélé.