L’ouvrage de Christian Bobin, le Très-Bas, narre la vie de Saint François d’Assise. Pour pouvoir grandir physiquement, il faut se nourrir, manger les mille et une créations de Dieu. La bonne chair emplit la panse et fait grandir le corps. Mais pour grandir dans l’esprit, il faut prendre de la nourriture spirituelle.
Pour cela, François se détache de son enfance heureuse, et délaisse son avenir de riche marchand d’étoffes : « Comment dire à vos proches : votre amour m’a fait vivre, à présent il me tue ». Peu à peu, il cherchera à se faire plus discret, se dépouillant du fruit de ses œuvres, pour atteindre la béatitude, très haute et très basse à la fois : toucher le manque de tout qui fait tout apprécier à sa juste valeur. Le chemin de François est celui qui même à l’amour de la Création. Il se fait pauvre pour pouvoir prêcher la bonne parole à ceux qui sont rejetés des institutions ecclésiastiques. Son message se veut celui qui rend fort même quand on n’a rien à se mettre sous la dent : il porte en lui l’amour du Créateur, l’espoir d’un monde meilleur. Vêtu d’un tissu gris et râpeux, il se ceint la taille avec une cordelette. François était pourtant un beau jeune homme, jouisseur des privilèges que sa naissance lui donnait, rêvant de chevalerie et de belles concubines. Ce même homme, entouré de ses premiers fidèles, a l’air d’un mendiant. Il sait pourtant lire les Saintes Ecritures, mais il ne cherche pas à se faire remarquer. « Les jambes de vingt ans sont faites pour aller au bout du monde » disait-il, autant que ça soit pour une cause juste. Il tire de la vérité de la jouissance, sa lumière est en elle et non pas dans le prêtre qui la dit : le message de Dieu est universelle pour François. Il ne se considère pas comme un saint, il est joyeux dans la parole qu’il transmet. A l’instar de la métaphore que fait Christian Bobin, l’homme vieillit, sa peau se délite comme celle d’un reptile qui mue après être resté trop longtemps au soleil. Ce qui reste ne peut être que l’esprit. François ne peut atteindre la sainteté qu’en atteignant la maturité. L’adulte n’est qu’une fleur qui doit mûrir pour accéder au fruit de la connaissance. L’enfant a ce fruit en lui, car il voit tout avec des yeux d’enfants : « mère est le nom de Dieu dans la bouche des enfants » disait Brandon Lee. La dernière image qu’imprime Christian Bobin en nous est celle d’un chien pouilleux, suivant un ange sdf. Celui est entouré de ses fidèles, qui prêchent avec leur guide. L’enfant est là, comme le rire, le silence, la grâce. Définitivement, c’est en se remettant dans la position d’un enfant, qui aime ou déteste tout avec la même intensité, que l’on peut se rapprocher de Dieu. C’est en tout cas la vision que donne Christian Bobin dans ce court ouvrage. A-t-il tort lorsqu’il affirme « Dans le monde de l’esprit, c’est en faisant faillite qu’on fait fortune » ? Dans notre société moderne, on peut s’interroger sur la portée d’un tel propos tant il est toujours d’actualité.